Vive la paresse

Vive la paresse

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La paresse, c'est faire un truc quand on est obligé de faire autre chose (genre aller travailler). Travailler, c'est vendre son temps, c'est renoncer (volontairement ou non) à transformer son temps en bonheur en tranches.

Quoi de plus précieux que notre temps, de quel droit nous vole-t-on ce bonheur potentiel, pourquoi est-on obligé de fuir son lit, ses ami-e-s, ses amant-e-s, ses livres, ses salles de concert et de cinéma, ses guitares, ses chansons, sa cuisine, son sommeil, ses rêves… ? Parce qu'on (?) a réussi à diviser tellement le travail de production indispensable (bouffe, matelas, tabac, électricité pour lire le soir et écouter des trucs déments…) que personne n'est capable de s'autogérer totalement. On a délégué à mort les travaux qui permettent l'autonomie, et on est embarqué dans un système où le moindre truc qu'on achète oblige quelqu'un à travailler comme un abruti pendant trop de temps. Et on l'empêche de rester au lit, d'aller dans son jardin, sur les chemins qui sentent la noisette ou autre chose, à la plage, à la montagne, chez des ami-e-s ou ailleurs. Peut-être qu'un jour, on décidera qu'on arrête, qu'on n'y va plus et qu'on fait l'An 01 et ce sera la fête parce que le travail sera interdit, en attendant, on peut commencer à cultiver son jardin, prendre son vélo parce que chauffeur de bus ça doit être super chiant comme métier et aussi parce que la voiture, ça tue, ça pollue et ça rend con (surtout le katkat), on peut aussi arrêter d'acheter des conneries qui ne servent à rien, refuser d'acheter les trucs dans lesquels il y a un cadeau bonus parce qu'on peut être sûr que ça a été fabriqué dans des conditions pas drôles, on peut faire du sport pieds nus (ou ne plus en faire du tout et voir ses amant-e-s à la place) parce qu'aucune fabrique de baskets ne peut se vanter de respecter les droits de ses trop jeunes ouvriers, on peut monter des associations en attendant, mais pas trop longtemps.

- Marion Moustaki



« Paresse : habitude prise de se reposer avant la fatigue. »

Jules Renard



« Travailler, d'accord, encore faut-il avoir le temps…. »

Jacques Dutronc



Bonjour paresse : De l'art et la nécessité d'en faire le moins possible en entreprise

de Corinne Maier (Michalon - 2004)

Bonjour paresse est là pour dire enfin la vérité : la grande entreprise, personne n'y croit plus. La foi nous a quittés, nous autres naguère chevaliers combattants de l'Ordre de la Firme. À présent les cadres moyens, petits boulons dans une machine jargonnant un sabir grotesque, n'attendent qu'une chose : le solde à la fin du mois.
Mais alors, que faire ? Rien surtout ! Affirme ce livre. Soyons individualistes et inefficaces en attendant que ça s'effondre et qu'une nouvelle société advienne où chacun cultivera essentiellement son jardin et conservera un à-côté accessoire dans une grande structure, histoire de survivre quand même.



Proposés sur le forum nanook, voici quelques textes des membres du forum poètes de la banquise (Emkalan, Nawenn, Judas Bricot) sur le thème "La Paresse".


Prendre racine dans un ténébreux cocon,
Vivre au travers de ces fils d’inconscience,
Le monde est ailleurs, le monde extérieur, laissons,
Une chasse au dragon, chercher là sa présence,
Un repos irraisonné, parfois sans raisons,
Dans cette inactivité presque apathique,
Ne rien faire, presque un tic tac du temps passant,
Aussi lent que nos pensées, si pragmatique,
Merde à la vie, à la mort, à tous ces instants,
Perdus dans les limbes des regrets pathétiques.
Sommeil en rab, sainte satisfaction, sachant
Qu’il vaut vivre et laisser dormir.
(Emkalan)



Amour du repos et grasses matinées,
Un seul mot d’ordre : fainéantez !
Jetez vos réveils par la fenêtre !
Sortez vos hamacs, c’est jour de fête !
Flemme et nonchalance sont invitées,
Les lézards s’endorment au soleil d’été.
Point de désoeuvrement,
Rêveurs assoupissements...
Avec comme hymne les grillons chantant,
Lent et doux sera le temps.
(Nawenn)



Endormi dans le mille-feuille
De mon lit, de crème dégoulinante
Et de sucre candi
Susurrant du chocolat et des fraisiers
A mon oreiller fait de pain d’épice
Et de nougatine marbrée
Je pensais à tout le travail
Que pourrait faire
A tous ces efforts
Ces dépenses d’énergie
Ces courses, et ces exercices
Et que je ne faisais pas
A ces heures plongé dans le miel
Des rêves,
Dans cette mousse au chocolat
Et de crème
Alangui au soleil de biscuit
Trépassant de bonheur,
Surfant dans de la crème chantilly
Tout au fond de mon lit
Une sueur sucrée de tant d’effort
Perlait vanillée à mon front
Que je m’endormis encore
Sans remords, ni efforts
(Judas Bricot)



« Le travail doit être maudit, comme l’enseignent les légendes sur le paradis, tandis que la paresse doit être le but essentiel de l’homme. Mais c’est l’inverse qui s’est produit. C’est cette inversion que je voudrais tirer au clair. (p. 12)

L’argent n’est rien d’autre qu’un petit morceau de paresse. Plus on en aura et plus on connaîtra la félicité de la paresse. (p. 16)

L'homme, le peuple, l'humanité entière se fixent toujours un but et ce but est toujours dans le futur : un de ces objectifs est la perfection, c'est-à-dire Dieu. L'imagination humaine l'a décrit et a même donné le détail des jours de la création, d'où il ressort que Dieu construisit le monde en six jours et que le septième il se reposa. Combien de temps ce jour se prolonge-t-il, on ne le sait pas, mais en tout cas, le septième jour est celui du repos. On peut admettre que le premier moment de repos soit un repos physique, mais en réalité, il n'en a pas été ainsi : s'il avait dû construire l'univers en effectuant un travail physique, Dieu aurait dû travailler autant qu'un homme ; il est clair qu'il ne s'agissait pas d'un travail physique, et qu'en conséquence il n'avait pas besoin de se reposer. Pour effectuer sa création, il n'avait qu'à prononcer les mots « Que cela soit » : l'univers dans toute sa diversité a été créé en répétant six fois "Que cela soit". Depuis ce temps, Dieu ne crée plus, il se repose sur le trône de la paresse et contemple sa propre sagesse. (p. 29-30)

Ainsi se justifie la légende de Dieu comme perfection de la "Paresse". (p. 32) »

Kazimir Malevitch, La Paresse comme vérité effective de l’homme (1921) (Allia, 1995)



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